Tout au bout de nos peines... il y a nous |Joan|

Cela faisait presque deux semaines que je n'avais vu Joan, et j'avais la sensation frustrante qu'il fallait nous voir au plus vite. C'était l'une des conséquences de notre séparation, elle avait laissé des marques indélébiles, il me semblait donc judicieux de ne pas rester trop longtemps sans se voir au risque de voir notre amitié voler à nouveau en éclat. Je l'avais appelé hier pour que l'on se voit après mon boulot, vers 15h, seulement je n'avais pas prévu tout ce qui s'était passé la veille au soir, ni le manque de sommeil qui en résulterait. Néanmoins, fidèle à ma parole, je me dirigeais vers notre lieu de rendez-vous en me demandant ce que je pouvais lui dire ou non. Il est vrai que Joan a toujours été ma meilleure amie, même lorsque nous ne nous sommes pas vu pendant deux ans, je sais qu'elle m'est restée fidèle, qu'elle ne me trahirais pas. Toutefois ce malaise qui s'était immiscé entre nous, ressemblait à un poids de plus en plus lourd à porter et à gérer, j'avais peur que nous ne puissions pas nous retrouver entièrement. Je me souvenais d'une journée, peu de temps avant la mort de... non rien ne servait de repenser à ce tragique évènement, je devais me concentrer sur Joan. Nous avions attendu plus de quatre heures pour obtenir les places d'un concert, nous ne sommes jamais autant amusées car nous avions attendu dans la bonne humeur, dans le rire avec les autres personnes autour de nous... Mes lèvres formaient un sourire si parfait en ce moment précis, oui l'évocation de tel souvenir était un délice à mon sens. Je prenais mon temps pour rejoindre mon amie, non pas parce que je n'avais pas envie de la rejoindre mais plutôt parce que les souvenirs qui me venaient à chacune de nos rencontres me plongeait dans un monde à part, et j'espérais tant qu'un jour nous puissions redevenir amie comme avant.

Non loin de moi, se promenaient deux adolescentes, insouciantes, et libres de leurs vies... Tout cela était si loin pour moi que je parvenais pas à y croire. J'avisais le café où nous nous étions données rendez-vous, elle était déjà là : lunettes de soleil sur les yeux, cheveux lâchés, rayonnante. Il était rare qu'elle soit ainsi... mais est-ce que moi aussi je suis rayonnante ? Je devrais, puisque j'avais reçu le plus magnifique des baisers cette nuit; bon d'accord Lloyd était parti plus vite que son ombre mais le principale était que nos lèvres avaient communié non? Je secouais la tête pour me rappeler que j'étais au beau milieu des rues de San Franscico, et que je ne pouvais continuer à déblatérer toute seule sur des évènements passés. Je traversais la rue, et rejoignis mon amie à grandes enjambées, lui faisant signe de la main.

Salut ma belle, tu es rayonnante aujourd'hui.

Je l'embrassais,m'installais en face d'elle, avant de commander une limonade.

Un grand soleil inondait la terrasse du café où se trouvait Joan. Bien calée dans sa chaise, la tête renversée en arrière et ses longues jambes allongées loin sous la table, elle était l'image même du bien être, profitant autant que possible de la chaleur bénéfique. Pour la première fois depuis des jours, elle s'autorisait un moment de détente. Elle avait fait tout ce qu'elle avait pu pour protéger sa famille, désormais elle travaillait avec la puissante famille Halliwell et ce simple fait la rassurait plus que toute autre chose. Elle savait bien que ça ne suffirait pas et qu'elle devrait bien finir elle aussi par choisir son camp, par se lancer dans la bataille. Mais cette perspective restait encore trop effrayante pour la jeune femme qui préférait ne pas y penser pour le moment, du moins jusqu'à ce qu'elle ne se sente prête. Elle préférait savourer sa sérénité retrouvée grâce à l'aide des Halliwell.

Et puis il y avait autre chose qui la rendait radieuse ou plutôt une autre personne elle devait se l'avouer. Malgré son âge, Joan n'a pas eu beaucoup de relations amoureuses dans sa vie. Bien sûr, elle en avait eu quelques unes mais elle n'a jamais été du genre volage, les coups d'une nuit très peu pour elle et puis avec sa timidité confinant presque à l'infirmité, rencontrer quelqu'un était presque mission impossible pour elle. Et pourtant... En allant demander l'aide des Halliwell, elle avait rencontré Wyatt et presque instantanément, elle était tombée sous son charme. Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas rencontré un homme qui lui plaisait et avec qui elle n'était pas bloquée par sa timidité. Du coup, cela la rendait particulièrement joyeuse. Alors qu'elle était plongée dans ses pensées, le serveur s'approcha d'elle pour prendre sa commande.

"Mademoiselle, vous avez choisi?"

"Euh... oui. Je vais prendre un jus de pomme merci!"

"Et un jus de pomme pour la jolie demoiselle c'est parti!"

En même temps qu'il lui répondait, il lui fit un grand sourire séducteur ne laissant aucun doute sur ses intentions. Aussitôt Joan piqua du nez, tentant de cacher la rougeur soudaine qui venait de lui monter aux joues et bredouillant un vague merci. Elle remercia le ciel de porter sa paire de lunettes de soleil qui lui cachait une bonne partie du visage. Néanmoins, le serveur repartit semblant tout fier de lui, ce qui énerva quelque peu Joan et lui laissa le temps de reprendre contenance avant qu'il ne revienne avec son verre. Elle lui fit un sourire timide de remerciement et se remit à regarder dans le lointain, cherchant à voir si Anna arrivait. Elle se sentit tout de même soulagée lorsqu'il se détourna de sa table et soupira, comment pouvait elle penser à avoir une relation amoureuse avec Wyatt alors qu'une simple remarque la paralysait à moitié. Sentant que ses pensées commençaient à devenir négatives, Joan préféra penser à Anna.

Toutes deux se connaissaient depuis toujours et durant très longtemps, elles avaient été les meilleures amies du monde. Mais la violente découverte du monde magique avait éloigné Joan de son amie et depuis ce n'était plus pareil entre elles. Joan savait que c'était en grande partie sa faute mais elle n'y pouvait rien, le monde magique formait une barrière impénétrable entre elles deux et elle ne pouvait absolument rien dire à Anna, les humains ne pouvant absolument pas être au courant. Joan en souffrait beaucoup mais en même temps, elle appréciait d'avoir une amie hors du monde magique, cela lui faisait du bien d'en sortir de temps en temps.

Joan vit alors son amie traverser la rue et lui faire un signe de main auquel elle répondit joyeusement. Elle eut le temps de l'observer avant que celle-ci ne la rejoigne, elle la connaissait bien et celle-ci semblait tout simplement irradier de bonheur. Joan l'avait rarement vue dans un tel état et elle savait bien ce qu'il signifiait. Apparemment, elle n'était pas la seule à avoir connu des changements dans sa vie.

"Salut ma belle, tu es rayonnante aujourd'hui."

"Tu peux parler, tu irradie littéralement! Apparemment tu es de bonne humeur!"

Joan sourit à son amie alors que celle-ci l'embrassait et s'asseyait à côté d'elle. Elle était heureuse de la voir, cela faisait un bon moment qu'elles ne s'étaient pas vues et elle lui avait manqué. Lorsqu'Anna commanda sa boisson, Joan ignora littéralement le serveur dragueur préférant s'intéresser à son amie.

"Alors, raconte comment tu vas? Qu'est ce qui s'est passé pour que tu sois aussi joyeuse? C'est ton job? Faudra que je passe te voir un de ces soirs, ça fait longtemps que je t'ai pas vu chanter. Ou alors... tu as rencontré quelqu'un avoue! Ne nie pas je te connais trop bien!!"

Se faire assaillir de questions peut être une chose pénible, déroutante voir même perturbante mais il n'en était rien, j'ai l'habitude avec Joan. En j'avais plutôt et c'était agréable de retrouver cette sensation après tant de moments de solitude loin l'une de l'autre. Et puis elle n'avait pas tort, la nuit dernière j'avais reçu un cadeau divin : un baiser de l'homme que j'aimais. Alors oui je devais être aussi rayonnante qu'elle semblait me le dire, bon ce n'était pas pour les raisons évoquées. La chanson, y'a longtemps que je n'avais pas mis les pieds sur la scène du pink ou encore que le club n'a entendu ma voix.

Euh non je ne chante plus au club.

Mon sentiment de joie s'affaiblit un peu, après tout Joan n'était pas ignorante du fait que je voulais devenir chanteuse. En fait elle était l'unique détentrice de ce secret, tout le monde dans ma famille savait que je chantais bien puisque je le faisais depuis ma plus tendre enfance, je le faisais aussi aux réunions de famille et dès que je le pouvais. Seulement j'avais confié mon désir de succès à une seule et unique personne, ma meilleure amie, je me rendis compte alors qu'il y avait encore une chance pour que nous retrouvions ce qui avait fait de nous des sœurs de cœur. J'observais le manège du serveur quand il revint me porter mon verre de limonade, il la draguait littéralement ce qui était gênant pour elle et pour moi. Joan n'a jamais aimé être le centre d'attention, je passais outre ce détail pour répondre à ses questions tout en les énumérant avec mes doigts.

Je vais bien. Il s'est passé quelque chose de bien. Ce n'est pas mon boulot. Et non je n'ai rencontré personne. Maintenant avant que tu ne m'assailles d'un autre flot de questions, J'ai reçu de l'espoir hier soir, mais je ne peux pas t'en dire plus avant d'avoir moi même tiré ceci au clair.

Je voulait tout lui dire, néanmoins je voulais davantage en discuter avec Lloyd avant. Et puis tel que je la connaissais, Joan aurait un tas de truc à me raconter.

Par contre toi, qu'est-ce qui te fais irradier ?