L’homme passait ses journées dans le cimetière, assis en tailleurs devant la tombe fraîche de sa grande sœur. Il avait déjà épuisé toutes les larmes de son corps les premiers jours, chialant comme un enfant sans se soucier de l’image qu’il donnait. Maintenant, il poussait des petits soupirs malheureux en fixant le marbre de la tombe et en maudissant l’assassin qui venait de lui voler la personne qui lui était la plus chère. Terminé, les rires et les farces d’Aliya Mayne… Ce naturel, cette simplicité et ce réconfort qu’il trouvait chez elle. Cette sensation de sécurité, cet embarras lorsqu’elle prenait sa défense, et tout l’amour qu’il lui portait. Elle avait maintenant son corps inerte enfermé entre six planches de bois. Il ne la reverra plus jamais, il n’entendra plus jamais ses conseils, et cette affreuse idée lui faisait baisser le visage au sol. Adam était inconsolable. Sa boutique était fermée durant ce temps, il n’était même pas sûr de la ré-ouvrir un jour. Il passait encore le soir pour s’occuper de la végétation, mais avec tellement moins de passion qu’avant… Et dire que son meilleur ami était parti, en voyage, en expédition et dieu sait où… L’homme se sentait terriblement seul.
Adam revint dans sa serre. Il l’alluma et l’observa sans siller. Mais s’il abandonnait tout, qu’allaient devenir tous ses breuvages, ses plantes enchantées ? Le travail de toute sa vie… il donnera tous ça à des sorciers, probablement. Il était tellement désespéré qu’il souhaitait encore plus maintenant refouler sa nature de sorcier. À quoi bon avoir des pouvoirs si l’on était incapable de s’en servir ? Chez lui, ça avait toujours été une véritable catastrophe de toute manière. Adam observa les rayons végétaux. C’était si étrange, il avait toujours eu l’impression qu’une vie résidait à l’intérieur. L’impression d’être parfois observé, et que quelqu’un chose donnait plus de tonus à ses plantes. Comme toutes ces fois où il s’y était réfugié, pourchassé par un démon, et que la créature maléfique disparaissait sans qu’il ne voit ce qu’elle devienne. Tellement étrange mais à la fois rassurant, car ce lieu était devenu son abri, l’endroit où il se rendait lorsqu’il était en danger, et seul. Il avait toujours cru que c’était les plantes qui le protégeaient, en quelque sorte. Le fleuriste éteignit la lumière et s’apprêta à fermer la porte, lorsque des bruits de feuillages l’interpellèrent. Il laissa les lampes éteintes et s’avança prudemment vers la source du bruit. Alors une nouvelle lueur l’obligea à fermer les yeux un court instant, le temps de s’y habituer. Les paupières mi closes, il observa en reculant la créature qui marchait devant lui. Que faisait-elle ici ? Qui était-elle ? Adam cru d’abord à une agression et il fit un bond en arrière parce qu’il était toujours incapable de se défendre. Mais la belle jeune femme lui fit aussitôt signe de s’arrêter et lui affirma qu’il ne devait pas avoir peur. C’est qu’elle semblait tellement irréelle et… gentille. Le marchand finit par la laisser s’approcher. Elle lui expliqua qui elle était, qu’elle se rendait souvent dans cette serre. Elle lui expliqua qu’elle était une fée, et qu’elle l’appréciait beaucoup. Et cela avec un naturel tellement détaché et enfantin, que l’homme était subjugué par ses paroles. Puis la dénommée Naline lui murmura qu’elle compatissait à sa douleur, et qu’elle voulait faire quelque chose pour l’aider.
La fée cueillie la fleur favorite d’Adam, du lys, puis elle l’accrocha à sa chemise. Elle poussa ensuite un petit rire discret puis sortit de son petit sac en soie quelques ingrédients provenant du monde magique. Adam était fasciné par sa démarche, son allure si légère. Son sourire était si chaleureux qu’il ne put s’empêcher de ressentir une bouffée chaude et rassurante en lui, à ses cotés. Il la laissa faire, elle apaisait la douleur qu’il ressentait. Naline se mit à parler, dans un langage qu’il ne connaissait pas. Elle invoquait son peuple, ses sœurs, et elle enchanta l’homme. Il eut l’impression d’avoir mangé trois friandises à la menthe extra forte à la fois. Son sang se glaça mais redevint aussitôt chaud. Il se sentait mieux. Il tituba néanmoins, pris de vertige, mais elle le rattrapa et l’aida à s’allonger sur le sol.
Adam ferma alors les yeux, enveloppé dans une sorte de duvet de bien-être, puis il plongea dans le sommeil… Une partie de cette fée s’immisça en lui, chassant une part humaine de l’homme pour ne pas déborder. Il perdit quelques talents qu’il n’arrivait de toute manière pas à maîtriser. Depuis, Adam dégage une sorte d’Aura bienfaitrice qui soulage, apaise, qui peut guérir les maladies et les blessures. Une aura toujours active, quelques soient les circonstances, et plus ou moins grande suivant son humeur. Il n’a gardé qu’un seul don de sorcier qu’il possédait, car il est toujours humain. Il peut toujours faire apparaître des ingrédients. Mais il perdit son champ de force.