Les collines de San Francisco offrent une vue imprenable sur la ville, et surtout, s'y balader main dans la main avec son amoureux est véritablement romantique mais attention, la nuit tombée, certains démons trainent dans le coin.

Dommage qu’il n’y ait pas quelques panneaux contenant ces indications, car ça aurait peut-être évité à un gamin de s’y promener alors que le soir tombait. La nuit n’était pas encore présente, seule la fin d’après midi s’occupait de voiler le ciel par des mauvais nuages. Il allait pleuvoir et l’enfant allait devoir courir dans un abri chez on ne sait qui pour se protéger. Il ne dormira certainement pas à la belle étoile sous le mauvais temps, et encore plus s’il y avait de l’orage ! D’ailleurs, en parlant de ça… Ce n’est pas un grondement qui vient de retentir derrière ? Le cheimophobe frémit et se dirigea machinalement vers un banc qui côtoyait un grand chêne. Il ne voulait pas retourner à la ville. Il avait couru pour arriver jusqu’ici, et il était essoufflé. Il prit place sur le banc en reprenant sa respiration. Il n’avait pourtant rien fait de mal ! L’enfant avait trouvé une pièce sur le sol, il l’avait utilisé pour appeler Mike dans une cabine téléphonique. Jusqu’ici rien de mal, il voulait juste le voir et jouer avec lui. Le Calahan venait à peine de décrocher lorsqu’un individu tapa à la vitre de la cabine.

« Mimmik ? Tu m’avais promis que tu viendrais ce matin, et t'es pas v'nu ! » se plaignit-il sans même laisser le temps à son interlocuteur de savoir à qui il s’adressait ni même de le saluer.

Bon, d’accord, peut-être que Mike ne l’avait pas promis, Elwin exagérait un peu. Cela dit, le petit l’avait attendu au parc, jouant avec d’autres personnes de son âge. Il avait une grande nouvelle à lui annoncer, et il était terriblement fier ! Et son ‘grand frère’ ne s’était pas pointé. S’il avait du boulot ? Mais on s’en fichait de son travail ! Le gamin n’avait rien dit, il se contentait juste de bouder. Au fur et à mesure du temps il se disait trois choses : Soit il n’avait encore pas fait attention et s’était trompé de jour, soit il avait de nouveau des trous de mémoire et avait sauté une journée sans s’en rendre compte, soit Mike allait finir par arriver et il le bouderait jusqu’à ce que le Calahan se fasse pardonner. C’était quotidien, chez lui, de faire semblant d’être vexé pour attirer l’attention. L’enfant au téléphone collait le combiné contre son oreille et sa bouche comme s’il avait peur que la cabine s’envole sans lui. Il n’écouta même pas la réponse de Mike, trop occupé par cet intrus qui frappait la vitre de manière étrangement brusque.

« Y’a un drôle de bonhomme qui veut le téléphone, faut que je raccroche ! » s’exclama le petit avant de crier de surprise lorsque l’homme transperça la vitre avec son poing et lui agrippa le bras, « Lâche moi sale brute ! MIMMIK il en a après moi ! Mimmik vient m’chercher ! »
Il eut à peine le temps de prononcer ses paroles que l’autre avait coupé le fil. Le gamin réussit à se dégager en se collant brusquement à la vitre derrière. Il poussa vivement la porte pour la cogner contre son agresseur puis se mit à courir le plus vite possible dans la rue. Il ne savait pas vraiment ce qu’il lui voulait, ni pourquoi, mais il courrait comme un dératé, affolé et en criant comme un fou. Il sortit de la ville et se dirigea vers la colline. Et comment Mike allait venir le chercher, il ne lui avait même pas dit où il était ? Bah il se débrouillera. De toute manière l’une de ses sœurs n’avait-elle pas le pouvoir de localiser quelqu’un ? Le môme grimpa la pente de la colline comme s’il était poursuivi par un fantôme, chose à peu près ironique. Il s’installa sur ce banc près du chêne pour reprendre enfin son souffle et posa sa tête contre le tronc. Ce n’était pas la première fois qu’il était poursuivi comme ça. À ce qu’il paraît, les démons sentent lorsque les créatures ne sont pas humaines, et comme ils sont totalement barges… Et puis l’enfant n’avait pas vraiment de chance à ce niveau. Il releva la tête, les sens en alerte, lorsqu’une silhouette se fit percevoir, accourant dans sa direction. Elwin poussa un nouveau cri et se mit debout sur le banc avant de sauter directement sur une des branches en hauteur de l’arbre. Allez courage petit Wiwi, c’est comme ce que Misaki fait avec les trapèzes au cirque, c’est exactement pareil ! Il se hissa sur l’une, puis sur une autre plus haut, se prenant pour un petit singe qui montait à l’arbre. Un petit coup d’œil en bas lui fit accélérer le mouvement, puisque son poursuivant commençait son ascension lui aussi. Il avait des iris totalement noirs et affichait un sourire avec des canines étrangement longues. Bon, il n’y avait pas besoin de réfléchir bien longtemps pour comprendre qu’il s’agissait d’un vampire. Même l’enfant pouvait aisément les reconnaître, c’est qu’il en connaissait des histoires sur eux ! Il se sentit légèrement découragé en voyant l’autre se hisser avec une facilité déconcertante, étant donné qu’il avait des facultés plus hautes que la normale. Elwin se mit à cheval sur une grosse branche et commença à avancer très légèrement jusqu’au bout en se cramponnant bien. Et après ? Il n’y avait plus d’issue après. Il regarda vite fait en bas, songeant à sauter de ces quelques mètres mais… Hum… Ca lui paraissait quand même rudement haut. Il alla jusqu’au bout de la branche et tourna la tête pour voir derrière lui. Le vampire n’était pas loin, et il s’approchait un peu trop dangereusement à son goût. Elwin lui cria de s’arrêter là, il commença à lui dire qu’il allait lui faire mal s’il continuer de s’avancer. C’était terrifiant, je sais, mais il ne trouvait rien d’autre à faire que de le menacer. Il ne put réagir non plus lorsque l’homme l’agrippa au niveau du col et le souleva sans aucun mal, avant de le pencher vers le vide et de l’observer avec un sourire sadique, menaçant de le lâcher. L’enfant avec les jambes qui pendaient dans le vide et il remuait comme un dératé en s’accrochant à son agresseur.

« Lâche moi ! Lâche m…. ME LÂCHE PAS ! ME LÂCHE PAS ! »

Travailler en collaboration avec le cabinet « Janes & Associates » paraît être une chose si banale, sans aucune complication spéciale au premier abord. En réalité, la femme à la tête de ce cabinet est une harpie. Enfin..façon de parler. Minerve Cassiopée Jane est une femme ambitieuse, qui sait ce qu'elle veut et ce qu'elle aura. Toutes les affaires les plus renommées passent par chez elle tellement son cabinet est en vogue. Mais pour un tel succès, il faut bien quelqu'un prêt à tout pour réussir dans le domaine professionnel, sans aucune exception.

Travailler pour elle avait quelque chose de plaisant en soit. Son petit job de chroniqueur lui plaisait, mais son lieu de travail, lui, beaucoup moins. Changer d'air, aller chez les meilleurs, voilà ce dont vers quoi tendait pertinemment Mike. Être attiré par le pouvoir, par la réussite, par le succès...ce n'est pas vraiment ce qui pourrait qualifier Mike avant tout, mais à croire que cela ne cessait de lui plaire, comme tous les membres de la famille Calahan. (si on ne prend pas en compte Zach, pour changer).

Envoyé chez Minerve le temps d'une petite semaine, Mike remarqua l'intensité de son travail augmenter, proportionnellement à sa fatigue. Ses revenus, sa place hiérarchique, les nouvelles opportunités, ne cessaient de croître de façon exponentielle. Par conséquent, avec toute cette attention accordée essentiellement à son travail – qui semblait beaucoup plaire à Minerve mine de rien – Mike n'avait plus pensé à son petit Elwin. Il avait dit à ce dernier qu'ils se verraient peut-être aujourd'hui, plutôt dans la matinée si rendez-vous il y avait. Mais vous savez comment un gosse traduit ce genre de phrases? « on se voit ce matin t'inquiètes on va passer une journée de fou, jte promets! », surtout quand ce gosse est Elwin. Allez lui dire qu'il a faux, allez lui dire qu'il n'est pas têtu, allez lui dire qu'aujourd'hui on ne joue pas, allez lui dire qu'il ne grandira plus jamais...

Et encore, Mike s'en sortait plutôt bien. Merveilleusement bien. Il n'aurait pourtant jamais cru se mettre dans la peau d'un baby-sitter durant ses heures perdues, mais il ne s'en plaignait pas. Et autant dire que le premier qui toucherait à cet enfant devrait assumer ses actes et accepter les représailles. Et forcément, ça, Elwin le savait, et forcément, Elwin en jouait. Et ça c'est juste une horreur. Protéger quelqu'un qui se met en danger perpétuellement pour être au centre de l'attention. Le problème, c'est qu'Elwin sait pertinemment quoi dire afin qu'on ne lui en veuille pas. Et puis pour une question de morale, un gosse qui vous fait la moue et qui vous supplie une petite friandise tout en sachant qu'il n'a pas de lieu où dormir ce soir...vous ne pouvez pas ne pas craquer. Enfin si, les gens comme Jared. (et pour vous dire, même lui n'avait pas intérêt de le toucher).

Un gosse qui s'impatiente, ça passe. Elwin qui s'impatiente, il vous fera partager son mécontentement. Et c'est en fin de conférence – Dieu soit loué – que le portable de Mike sonna. Armé d'une multitude de dossiers, d'un café et de sa mallette, Mike tenta le tout pour le tout et décrocha son téléphone qu'il cala aussitôt entre son épaule et son oreille droite. Elwin n'avait pas eut besoin de se présenter, Mike l'aurait reconnu parmi une infinité de gosses abominablement chiants.

D'ailleurs ce surnom le faisait toujours autant rire à vrai dire, il n'avait jamais entendu personne d'autre l'appeler comme ça jusqu'à présent. Et il défendrait quiconque de l'appeler de la sorte.

Mike n'eut pas le temps de répondre que l'inquiétude sommeilla déjà en lui lors des secondes paroles d'Elwin qui semblait s'agiter de là où il appelait Mike. C'était une blague afin d'être au centre de l'attention? (encore une fois) une technique afin que Mike se ramène au plus vite? Cela serait grandement possible, mais allez savoir. Prendre un tel risque serait tout bonnement stupide.

« Elwin ! Écoute moi, dis moi où t'es là ! Elwin?! T'es où? »

Pressant le pas jusqu'à son bureau, Mike ne savait même pas comment il avait fait pour ne renverser ni goutte de café, ni dossiers lors de son trajet dans les couloirs de l'établissement. Néanmoins l'intensité de sa voix augmentait au fur et à mesure, et les quelques employés présents dans les alentours de chez Jane&Associates pointaient leur bout de leur nez. C'était le moment de faire bonne impression après avoir achevé royalement une conférence d'une importance capitale. Comment faire bonne impression, puis tout ruiner en un appel téléphonique. En réalité, ce n'était pas sa principale préoccupation en cet instant, il blâmerait Elwin le lendemain à ce sujet, en le menaçant de ne plus lui acheter de glaces étant donné que sa promotion venait de tomber à l'eau.

Cette scène devait être tirée de films d'horreurs, avec les clichés à mort. Comment secourir quelqu'un dont on ignore tout de son aggresseur? De où il se trouve? De s'il s'en est sorti? S'il venait de se cacher avec brio ? Les acteurs, dans les films, se dirigent toujours vers un endroit au hasard, et parviennent toujours à retrouver leur petit protéger et à le sauver des griffes de leur agresseur, croyez-vous que cela pouvait fonctionner? Mike ne serait pas prêt à prendre un tel risque, étant donné que la chance et lui c'était une toute autre histoire, ou plutôt une intervention de Rohan, ce crétin de leprechaun.

Mike déposa toutes les affaires sur son bureau, et tâcha de s'éclipser alors qu'il lui restait à peine une petite demie-heure de travail. Fermant la porte de son bureau, il frôla les murs des couloirs et abandonna tout son stress accumulé, une fois la porte principale passée, donnant sur la rue. C'était dingue à quel point cette Minerve pouvait procurer tant de pression.

Mike tenta de rappeler la cabine où Elwin avait appelé il y a quelques minutes, en vain. Rechercher une cabine vandalisée dans toute la ville lui semblait la meilleure option, mais aussi beaucoup trop longue. Secourir les gens ce n'est vraiment pas son truc, pourquoi tout le monde ne pouvait-il pas être doté d'un traceur? C'est en pensant à ce genre de débilités, qu'on se rend compte de l'intelligence exceptionnelle de Mike. Il y avait une méthode très rapide de retrouver Elwin, cette méthode pouvait paraître bien niaise et trop protectrice mais qu'importe. En réalité, Mike avait offert il y a quelques mois de cela, un bracelet à Elwin. Étant donné la naïveté extrême de ce dernier, Elwin n'avait songé à aucune arrière pensée, alors que Mike, lui assurément. Ce bracelet ensorcelé allait émettre une petite lumière, ainsi qu'un signal magique lorsque son propriétaire l'enclenchait, Mike en avait un aussi. Sauf que Mike n'avait jamais parlé de ce système à Elwin, qui aurait pu l'utiliser à tout bout de champ et rendre l'action de ce bracelet inutile.

C'était la première fois que l'occasion se présentait d'utiliser ce gadget magique, ensorcelé par ses sœurs et lui (ce qui garantissait un succès inébranlable). Le problème, c'est que Mike devait forcer l'enclenchement du bracelet d'Elwin à distance. C'était possible, mais grâce à une formule, dernière qu'il n'avait pas en tête. Lui, prévoyant toujours tout, n'avait pas pensé qu'un jour, peut-être, cette formule serait utile en cas d'urgence. Voilà la raison pour laquelle Mike tarda à arriver, le temps de rentrer au manoir Calahan, de chopper une sœur afin de l'aider à réciter la formule qui ne tarda pas à envoyer Mike, dans un halo de fumée noire, aux collines de la ville.

Perplexe, il espérait tout de même que la formule venait de fonctionner, sinon il ne se le pardonnerait jamais.

« ELWIN, T'ES OU ? ELWIN BLAGUE PAS SITEPLAIT. »
« Lâche moi ! Lâche m…. ME LÂCHE PAS ! ME LÂCHE PAS ! »

Ce cri venu d'un peu plus loin glaça le sang de Mike en un temps record – même s'il y avait toujours une pointe d'humour dans les moments les plus dramatiques. A croire qu'Elwin et Jared sont sur la même longueur d'onde. Deux gosses à garder pour le prix d'un. VDM.

Se hâtant vers l'endroit d'où semblait provenir les cris, Mike passa la main dans la poche intérieure de sa veste afin d'en sortir deux fioles. Autant il avait fait une erreur en oubliant la formule, autant les potions il en avait toujours quelques unes en réserve sur lui. Non ce n'est pas de la paranoïa. A défaut de ne pouvoir pas lancer des boules de feu, cela pouvait être toujours très utile. Enfin...en l'occurrence, il aurait juste du prendre une fiole d'eau bénite, et une gousse d'ail... un vampire? Depuis quand des vampires s'attaquaient au gosse? Qu'est-ce qu'Elwin avait-il pu faire encore? S'amuser à voler des cadavres au sang frais n'était pas trop son passe-temps favoris pourtant... quoiqu'il en soit, Mike ne tarda pas à lancer une première fiole sur ce monstre en question.

L'effet était à revoir, mais au moins, Mike avait attiré l'attention du vampire sur lui. Il ne savait pas si cela était une bonne ou mauvaise nouvelle à vrai dire. C'était déjà mieux qu'il s'en prenne à Mike qu'à Elwin, il aurait toujours plus de chance de s'en sortir indemne. Comment, il l'ignorait encore. Il ne savait pas du tout si son pouvoir de manipulation de pensées fonctionnerait sur des vampires. Il avait limite envie de hurler après Otthran pour qu'il lui vienne en aide. (mais il devrait encore réaliser une tâche beaucoup Otthranienne pour que cela en vaille la peine).

L'ambiance beaucoup trop lugubre empêchait toute bonne fixation avec le vampire, donc autant ne rien essayer du tout, pour le peu que cela ne fonctionne pas. Mike s'empara alors d'une autre fiole tout droit sortie de sa poche, tout en pensant à ce qu'il aller bien pouvoir faire contre un vampire. Et c'est ainsi qu'il se retrouva le bras tendu, tenant fermement...un crucifix. Pardon? Où était passée la fiole? Bon soit, un crucifix était juste l'objet parfait pour cette situation mais s'il pouvait juste comprendre ce qu'il lui arrivait ça serait cool. Mike s'avança avec hâte vers le vampire qui ne tarda pas à reconnaître l'objet en question, effrayé comme jamais au plus Mike avançait en sa direction. Ce dernier tergiversa et s'éclipsa, comme s'il venait de s'échapper en chauve-souris. Quoiqu'il en soit ce n'est pas ce qui marqua le plus Mike, bien trop focalisé sur son crucifix qui venait de reprendre l'apparence de la fiole. Mike espérait à tout prix que ça vienne de lui, et qu'il n'avait pas en sa possession une fiole ensorcelée ou un sort jeté sur sa pauvre personne? C'était soit cette possibilité, soit il venait de développer, voire d'acquérir un nouveau pouvoir.

Secouant la tête de droite à gauche, Mike fronça les sourcils et releva son visage en direction d'Elwin. Ce dernier avait dû faire une petite chute lorsque le vampire l'avait lâché après avoir reçu la première fiole. Il se dépêcha d'arriver près de lui, d'une part, pour voir s'il n'avait rien de grave et d'autre part pour lui dire qu'il n'avait rien de grave. S'il prenait le monopole de la conversation, Elwin jouerait les martyres pendant des heures et répéterait le terme « bobo » toutes les minutes.

 « elwin! T'as rien, encore heureux. T'es un sacré costaud toi dis donc. Même pas un petit bobo, rien. Bon t'as juste les cheveux en pagaille », lui lança t-il d'un ton si protecteur tout en lui passant une main dans les cheveux avec un sourire rassurant,  « c'est bien d'avoir appelé, t'as enfin compris ce qu'il fallait faire en cas de besoin. Mais comment t'es arrivé ici? Et qu'est-ce que t'as fait comme bêtise toi encore? »

Cela pouvait se rapprocher d'un interrogatoire, mais d'un côté, il fallait bien qu'il se renseigne sur ses attaques démoniaques, sinon jamais il ne pourra les arrêter. Ou tenter de diminuer leur fréquence si on prend cela d'un point de vue optimiste... Malgré ses pensées peu enthousiastes, Mike garda ce sourire rassurant afin de jamais inquiéter Elwin. Jamais. Mike alla saisir sa main et prit place à ses côtés, passant son autre bras autour d'Elwin, soufflant un peu.

« regarde ça, tu te souviens quand je te l'ai offert? » dit-il en pointant du doigt le bracelet autour du poignet d'Elwin « et bien en fait, c'est un bracelet magique. Ça tue non? Mais le truc, c'est qu'il faut que tu t'en serves qu'en cas de danger extrême, comme tout à l'heure, tu comprends? »

Il avait les jambes qui remuaient énergiquement dans le vide, toutes seules, alors qu’il se concentrait à s’agripper comme il le pouvait sur le bras de ce vampire. Ce dernier était en colère puisqu’il n’arrivait pas à lâcher cette sangsue qui se raccrochait sans cesse à son bras. Pourtant, ce n’était pas faute de secouer la main et de faire des mouvements brusques ! Elwin ne voulait pas lâcher prise, il ne savait pas si dans sa chute il allait devenir fumée avant l’impact ou s’il allait se prendre le gros caillou en bas dans le derrière. Mais il n’allait pas se plaindre, car il allait très vite connaître la réponse. Il entendit la voix de son ami et là, dans son esprit, il sut que tout allait s’arranger. Mike était là, donc il allait forcément s’en sortir. Lui qui pensait que son héros du jour allait grimper à l’arbre, frapper le vilain et rattraper l’enfant avant qu’il ne tombe, il le vit en revanche sortir un drôle d’objet et lancer de l’eau sur le vampire. Youhou. Elwin aurait presque crié qu’un pistolet à eau était plus pratique dans ce genre de situation, s’il n’avait pas l’atroce peur de tomber. Ne pas sentir le sol sous soi, c’est désagréable. Il ne s’en rendait pas compte lorsqu’il était dans un état vaporeux, car la gravité n’avait plus d’effet sur lui, mais là il sentait tout son poids qui désirait s’écraser contre la terre et lui faire manger de l’herbe. La pression sur son col diminua et au bout d’un moment, elle disparu totalement. Il eut à peine le temps de crier et d’agiter les bras que ses fesses rentraient en contact avec le sol. Il afficha une grosse grimace et un ‘ouillouillouille’ s’échappa de sa gorge alors qu’il se roulait par terre, les mains sur son derrière. En voyant venir Mike à lui, il se mit à genoux et s’apprêta à lui expliquer à quel point il avait eu peur, à quel point il avait mal, à quel point il avait mal encore et quelques petites exagérations comme quoi le vampire avait des yeux injectés de sang, qu’ils étaient une dizaine au départ mais qu’il en avait battu neuf d’entre eux, et qu’il y avait même un loup garou qui avait bondi pour l’aider avant de s’enfuir une fois que l’enfant lui a courageusement sauvé la vie.

« J’ai… »

Il n’eut pas le temps d’en place une que Mike lui coupait la parole et lui parlait sur un débit plutôt rapide. L’enfant se massait les fesses tout en regardant son ami avec des petits yeux. Il ne pouvait pas se plaindre, là ! Non, Mike avait raison, il était grand, il était fort, il n’avait jamais mal ! Mais allez dire ces conneries là à son popotin qu’il n’arrivait plus à poser. Il voulait parler, il voulait geindre mais il ne pouvait pas, haaa saleté d’adulte ! Le petit se tut donc, se disant qu’il allait se la jouer grand héros lui aussi puisqu’après tout il n’avait même pas pleuré. Ah non, tiens. Cette fois il n’avait même pas envie de verser une larme. Il se sentait si brave tout d’un coup que la douleur fut moins présente. Est-ce qu’il y avait un rapport ou non, ça, il n’en savait rien. Le Calahan le félicita d’avoir appelé. Oui, enfin à l’origine c’était pour l’engueuler qu’il lui avait téléphoné, l’enfant n’avait pas prévu de se faire agresser par le premier débile venu ! Comment était-il arrivé ici ? En courant voyant, quelle question ! Le petit n’allait tout de même pas rester bien sagement près de la cabine en attendant de se faire tabasser par ce vampire qui devait probablement chercher une autre proie tellement il avait soif. Si c’était pour se nourrir. D’ailleurs, il était où celui là ? Tandis que Mike lui parlait, l’enfant tourna la tête et regarda dans plusieurs directions. Non, il ne se fichait pas de ce que son ami lui disait, il écoutait toujours d’une petite oreille… Mais il voulait être sûr qu’il n’y avait plus de danger. Il tilta au mot bêtise et sortit la première phrase qui surgit à ce moment en lui, phrase qu’il avait l’habitude de dire tellement il se sentait accusé.

« C’est pas ma faute ! » s’exclama-t-il du tac o tac avant de faire le rapprochement entre ce mot bêtise et ce qu’avait bien pu dire Mike autour afin de savoir pourquoi il avait dit ce mot. S’il avait mieux écouté, il aurait peut-être répondu plus intelligemment, mais il se rattrapa quand même. « ’Fin j’en sais rien moi. J’étais au téléphone, j’étais pas content passke tu m’as oublié, et lui il a déboulé comme un gugus enragé ! » - Cette fois, l’enfant ne laissa pas le temps à Mike de répondre. Il lui agrippa le bras et se pencha vers lui pour le fixer d’un regard très sérieux, avant de lâcher sur un ton tout aussi grave, « J’ai eu très peur, tu sais ? »

Il renifla et colla sa tête sur les habits du sorcier, au niveau de la poitrine de ce dernier, avant de l’enlacer de ses petits bras et de renifler bruyamment pour lui faire croire qu’il a failli pleurer. Et voilà, une petite méthode pour espérer s’attirer un peu d’attention et d’affection… Il était costaud, sans peur et sans reproche, mais il voulait aussi qu’on s’intéresse à lui et qu’on le cajole. C’était son petit plaisir quotidien, surtout quand ça venait de Mike ! Et puis Elwin lui en voulait toujours pour le matin, alors il comptait bien lui faire regretter de l’avoir oublié. Pauvre petit fantôme oublié de tout le monde ! Il était une victime dans cette histoire. Le monde entier a été injuste, c’est toujours sur lui que ça tombe, il faut toujours qu’il prenne dans l’histoire, et c’est vraiment pas juste. Voilà. Il regarda l’homme s’installer à coté de lui et afficha une mine boudeuse. Air qui ne dira pas lorsque l’autre parla de ce bracelet qu’il lui avait offert il y a quelques temps. Elwin leva victorieusement son bras pour le montrer, avec un grand sourire fier qui voulait dire ‘T’as vu ? Je l’ai pas perdu !’. Il ne se souvenait plus vraiment du jour exact, ni combien de temps exactement. Mais il se souvenait du moment. Ce bracelet avait été un de ses premiers cadeaux… Alors bien sûr qu’il s’en souvenait, et bien sûr qu’il comptait le garder sur lui sans jamais se séparer. Jamais, jamais, jamais. Même s’il était censé lui en vouloir, il garda sa main dans celle de Mike, écoutant avidement ses paroles avec un grand sourire qui s’élargissait un peu plus au fur et à mesure. S’il lui en voulait toujours ? Mais quelle question, bien sûr que non ! C’était déjà oublié. Le vampire aussi était déjà oublié d’ailleurs ! Mais la pensée du monstre revint au galop lorsqu’il voulut s’assoir, qu’il sentit une douleur dans les fesses, qu’il grimaça et se remit à genoux à coté de Mike.

« Et ça fait quoi ? J’peux appeler un tyrannosaure avec ça ? » demanda-t-il enthousiaste. Un bracelet magique, c’est trop la classe ! En plus Mike avait le même, donc ils étaient frères de bracelets magiques ! Le petit enleva le sien pour l’approcher de son nez et l’étudier, cherchant à savoir comment on voit qu’il est magique. Qu’est-ce que ça peut faire ce petit machin, à part l’aider à frimer quand il est avec d’autres enfants ? « J’peux balancer des rayons lasers aussi ? » comme dans les séries où les héros avaient des armes accrochées à leur poignet. C’était trop la classe, ça aussi ! L’enfant rattacha le bracelet sur sa main et tourna la tête vers Mike avec un air un peu moins joyeux. Oui, il venait de comprendre quelque chose. Pourquoi l’homme lui disait ça maintenant ? Pourquoi le lui avoir caché ?
« Pourquoi tu me l’a pas dit plus tôt, hein ? »