Trente-quatre. Trente-cinq. Trente-six. … Et quarante. Jared s’essuya les mains sur une chemise déchirée avant de jeter cette dernière au sol. Il recula et contempla son œuvre, le regard pétillant. L’homme se tourna ensuite vers une bassine d’eau sombre posée sur un tabouret puis se rinça du mieux qu’il put les doigts à l’intérieur, avant de ramasser le torchon pour s’essuyer à nouveau. Ces tâches qui ne partaient pas, c’était toujours la même chose ! Il en avait partout. Sur les mains, sur le torse lorsque ça avait giclé et même quelques gouttes sur le visage. Sans compte qu’avant d’arriver à ce qu’il voulait, il avait du batailler un peu pour que son plan de travail reste sagement immobile le temps qu’il laisse exprimer son désir artistique. Il ignora totalement ces bruits aigus qui retentissaient et ces plaintes provenant de son art. Il pensait poétiquement à une peinture qui s’exprimait par magie, sous les bruissements des feuilles. Et ce son l’excitait au fond de lui. À cet instant, il se sentait bien, il se sentait serein et surtout libéré. Il avait l’impression que sa conscience le laissait tranquille, comme submergée par ce vide béant qui le prenait. La jouissance s’emparait du corps de l’homme comme l’effet d’une drogue sur un dépendant. Il se sentait merveilleusement bien, harmonieux et tout en puissance. Et c’est cette pérennité qu’il recherchait sans arrêt, et qui le libérait de toute sa folie. Du moins, il lui semblait. Plus aucune pression ne le prenait, il se sentait en sécurité, fort et imbattable. Son moral était au plus haut, et il se rendait compte à quel point il avait besoin de ce genre d’activité en dehors du travail et du sport. Car même si le sport qu’il pratiquait le soulageait énormément aussi, les règles l’empêchaient d’être pleinement satisfait. Après avoir laissé les plaintes s’écouler, il se pencha sur toute cette coloration de rouge qu’il avait fait jaillir de ses quarante pinceaux. Il posa ses doigts dedans et caressa le tissu derrière d’une manière presque sensuelle. Le maléfique pris un visage grave et l’approcha lentement des plaies saignantes de son art. Il prit entre son index et son pouce une des aiguilles enfoncées, puis appuya longuement dessus pour l’enfoncer. Le malheureux se mordit la lèvre lorsqu’il sentit l’acier déchirer les muscles de son épaule gauche. Le bourreau prit bien soin de ne terminer son acte qu’après avoir fait disparaître toute la pointe derrière les flots rouges. Sa victime avait les bras écartés et les mains attachées à deux piliers de fer, avec des cordages épais et rugueux. Ses pieds étaient liés au sol sous de gros anneaux pour les immobiliser. Il avait le visage relevé par une espèce de fourchette en fer, avec des piquants aux deux extrémités, l’une enfoncée sous le menton de la proie et l’autre sur la partie supérieure de son thorax. Le sorcier avait également enroulé du papier dense entre les doigts de ce torturé puis autour de ses poignets. Il y mit alors le feu et, tandis que la victime criait de douleur à cause des ampoules provoquées par les brulures, Jared s’amusa à lui enfoncer quelques unes des quarante aiguilles qu’il avait placées sur son torse. Se sentant comme repu, il soupira de plaisir et fit un pas en arrière. L’homme retira soigneusement l’instrument de torture au cou de sa proie, le laissant ainsi bouger et baisser la tête. Il ramena son bras en arrière avant de lui asséner un coup de poing qui le défoula. Il refit cette action plusieurs fois jusqu’à ce que le visage du malheureux soit recouvert de sang. Jared se passa la langue sur les lèvres, observant cette victime autrefois sorcier avec une folie toute particulièrement sadique dans le regard. Il fit parcourir ses mains sur le torse nu de l’individu, appuyant sur quelques aiguilles ou quelques plaies pour le faire hurler de douleur. Jared empoigna ensuite sa gorge dans l’une de ses mains et le força à reculer la tête avant d’émettre une pression d’abord légère mais de plus en plus intense. Il ne put retenir un sourire et son propre souffle s’accéléra lorsqu’il sentit l’homme suffoquer, incapable de lâcher de nouveaux sons. Les bras et les jambes de la victime remuèrent énergiquement malgré la souffrance, avant de s’immobiliser. Il resta suspendu ainsi de longues minutes, la gorge serrée par la main de Jared, les yeux fermés et la tête baissée. Lorsque le maléfique se rendit compte qu’il était bel et bien mort, il le lâcha doucement.
Quatorze heures trente, quel dimanche ensoleillé ! Une magnifique journée pour faire du nettoyage dans sa villa après avoir passé sa matinée à pratiquer son activité favorite ! Il s’étira, bailla et ouvrit en grand la fenêtre du salon de sa villa pour aérer et faire partir l’odeur du sang. Lui aussi était torse nu pour ne pas tâcher ses chemises. Il se posa sur le rebord de la fenêtre pour profiter un peu de cette sérénité toujours présente qu’il avait acquis après s’être défoulé. Un sourire béat étirait ses lèvres, il se sentait pleinement comblé. Faire ça toutes les semaines était une source de plaisir pour lui, d’autant plus qu’il se retrouvait souvent seul le dimanche justement pour cette activité. En la journée du seigneur, il se prenait pour le diable. Le visage et les bras tâchés de sang, il laissa l’odeur acide évacuer la pièce et continuer de remplir ses narines. Maintenant, cela ne lui faisait plus rien, il avait finit par apprécier ce parfum de souffrance. L’homme se retourna et regarda le cadavre toujours attaché. Il se demanda un court instant s’il allait le laisser dans la maison de sa famille pour y mettre un peu de terreur où s’il s’en débarrasserait aux enfers, mais le reflet d’une voiture dans la vitre attira son attention. Il se retourna et observa le véhicule qui se dirigeait vers sa villa. L’auto lui était familière… Miller ! Jared se dégagea de la fenêtre et se précipita sur les piliers de fer et les agrippa ainsi que le mort. Il se téléporta aux enfers et renversa le tout sur le sol sans se préoccuper du monde autour, s’il y avait. Il revint ensuite dans son salon et se dépêcha d’envelopper quelques outils qui trainaient dans des mouchoirs avant de les amener aux enfers aussi. D’habitude, son cousin le prévenait lorsqu’il lui rendait visite ! Le sorcier sortit de la pièce et condamna le salon à clé, n’ayant pas le temps de nettoyer les murs et le sol. Il courut jusqu’à sa salle de bain en espérant que son cousin mette du temps à se garer. L’homme n’avait pas du tout envie d’être surpris recouvert de sang, d’autant plus que c’était un trait de sa personnalité qu’il cherchait à cacher à tout le monde. Il ouvrit le robinet et se passa la tête sous l’eau tout en attrapant un gant. Il se shampouina les cheveux, enleva son pantalon et mit de l’eau partout dans sa précipitation. Il tentait de frotter à la va vite et avec un savon pris au hasard les tâches qu’il avait et qui, heureusement, finissaient par partir. Lorsqu’il entendit le claquement des portières, signe que son cousin arrivait, il cria à ce dernier d’attendre quelques minutes et qu’il arrivait, ne sachant même pas s’il serait entendu. Il fourra son pantalon sous un tas de linge sale et courut à sa chambre alors qu’il était encore mouillé. Il s’habilla rapidement d’une chemise blanche et d’un jean et camoufla les restes d’odeur de mort et de sang avec une bonne dose de parfum pour homme. Il toussota d’ailleurs en sentant son nez le piquer. Il se regarda vite fait dans le miroir, les cheveux dégoulinants, pour s’assurer qu’il n’y avait plus vraiment de trace et, sans prendre le temps de s’examiner sous toutes les coutures, dévala les escaliers pour ouvrir la porte à Miller.
- « Quelle bonne surprise cousin ! » s’exclama-t-il avec un grand sourire avant de prendre un visage sérieux. Il se rendit tout de suite compte en lisant en Miller, que ce dernier n’était pas venu pour prendre un café et demander des nouvelles de son cousin adoré… « T’as la tête des mauvais jours toi. » commenta Jared en s’écartant pour le laisser passer.
L'odeur un peu écœurante du sang sentait toujours dans la maison mais Jared n'avait pas eu le temps de tout faire évacuer. Tout ce dont il devait veiller, c'est à éviter soigneusement le salon pour que son cousin ne voit pas les grosses tâches.